La résistible ascension d’Arturo Ui

Bertolt Brecht

26

janvier

Le résumé

La résistible ascension d'Arturo Ui montre les coulisses de la montée au pouvoir des nazis en se décalant de la réalité. C'est en effet par la distanciation que Brecht décide de nous raconter cette histoire en nous projetant dans le Chicago des années 20, sous fond de gangstérisme et de commerce de légumes.
Dans ce monde parallèle, une crise économique gagne toute la ville et le Karfioltrust, organisation de riches industriels qui subit de fortes pertes, décide d'agir pour assurer la prospérité de ses entreprises. Un pot-de-vin déguisé est proposé au maire de la ville qui l'accepte en toute bonne foi et aide en retour le Karfioltrust. Mais la ville a des oreilles et les rumeurs parviennent jusqu'au repaire d'une petite bande de gangsters, avec à sa tête Arturo Ui, égérie déchue des malfrats dont les jours de gloire semblent derrière lui.. C'est alors que cette histoire de corruption qui touche l'homme politique le plus important de Chicago le fait sortir de terre, voilà une opportunité qu'il ne peut pas laisser passer !
Par un jeu habile de chantage, de manipulation et par la violence, Arturo Ui et sa troupe tissent peu à peu leur toile sanglante sur la ville et parviennent à isoler leurs adversaires respectifs pour régner en maitres. Le terrain est désormais fertile pour d'autres conquêtes, à commencer par la ville voisine de Cicero.

La mise en scène

Cette satire politique nous emmène aux confins de la manipulation humaine dont la pierre angulaire est la peur. Peur de perdre son commerce, peur de perdre sa réputation, peur de perdre sa vie. Et la peur est enrobée d'artifices pour faire croire à la promesse de couleurs dans un futur pourtant résolument sombre.
Le spectacle est servi par huit comédiennes et comédiens qui cumulent les rôles, allant du gangster chevronné au comédien en perdition. Ils sont le centre et le coeur de la pièce, accompagnés par une scénographie sobre et des éclairages simples et précis qui les épaulent dans la narration de cette histoire. Tous ces éléments servent à identifier l'espace où se situe l'intrigue, sans pour autant apporter une réponse claire : est-ce une histoire passée ou qui se déroule dans le présent? N'a-t-on pas l'impression d'un déjà-vu?
La mise en scène laisse une grande place au jeu des acteurs et rend la réflexion et le partage avec les spectateurs plus poussés. Comment réagit-on face à la peur? Quelle adrénaline nous gagne quand la soif de pouvoir dépasse tout entendement? Jusqu'à quel point peut-on s'affranchir de la morale pour parvenir à ses fins, pour sauver sa réputation?
Quelques touches de musique électronique sont distillées ici et là pour rappeler le mal qui n'est jamais bien loin et qui s'empare parfois des femmes et des hommes les plus honnêtes. Tout comme le jeu d'ombres orchestré derrière un large écran qui hante la scène tout au long de la pièce. Ce mal qui nous échappe et auquel nous ne voulons pas nous confronter, ce totalitarisme qui nous terrifie au point de sacrifier nos principes moraux les plus chers.
Mais les protagonistes de cette histoire ont leurs moments de bravoure. Une force pure qui s'exprime pourtant de manière trop isolée et qui se retrouve à la merci des gangsters : ils se laissent la plupart du temps submerger ou se sacrifient pour la cause. Comme pour rappeler que c'est ensemble que les peuples sont parvenus à se défaire du joug dictatorial.
Toutefois Brecht nous met en garde, "Le ventre est encore fécond d'où ça sort."